Assises 2ème session 1882

Publié le par jpdev

Audience du 15 mai
INFANTICIDE
La nommée Julie LANDRY, veuve COURAULT, âgée de 40 ans, née à Paris et domiciliée à Préporché, est accusée d'avoir volontairement donné la mort à son enfant nouveau-né dans les circonstances suivantes :
Dans la soirée du 17 février dernier, la femme COURAULT, veuve depuis 2 ans, mit au monde une petite fille bien conformée. Du reste, l'accusée a avoué que l'enfant avait poussé quelques cris et qu'elle l'avait étouffé en lui comprimant avec force le visage et les voies respiratoires jusqu'à complète asphyxie.
Cette mère dénaturée passa toute la journée du lendemain auprès de sa victime, et la nuit suivante elle alla l'enterrer dans son jardin à une profondeur de 15 à 20 centimètres seulement.
En raison des aveux et des charges de l'accusation, la défense de la femme COURAULT était devenue impossible. Aussi le jury a-t-il rendu un verdict de culpabilité mitigé par l'admission de circonstances atténuantes.
L'accusée a été condamnée à 5 ans de travaux forcés.

Audience du 16 mai
FAUX ET ABUS DE CONFIANCE
Le sieur FONTAINE (Claude Alphonse), âgé de 43 ans, huissier à Château-Chinon, vient répondre d'abus de confiance et de faux.
FONTAINE,  aujourd'hui destitué de ses fonctions, avait acquis sa charge en 1867. Le peu d'ordre dans la gestion de ses affaires personnelles et surtout un excès dans les dépenses journalières de son ménage l'ont jeté dans une série de manoeuvres coupables. Depuis 1876, il était chargé des recouvrements à opérer pour le compte de la Caisse Commerciale de Nevers.  Ne pouvant remettre à cette banque les sommes qu'il avait touchées pour son compte, il fabriqua, le 1er septembre 1880, sept billets pour le montant total de 10,000 fr.; chacun de ces effets, censé valeur reçue comptant, était souscrit par l'accusé lui-même à l'ordre de son oncle, FONTAINE (François), et était revêtu comme endossement de la fausse signature de ce parent. Ces billets furent protestés. la perte accusée par la Caisse Commerciale est d'au moins 6,800 fr., somme provenant de recouvrements opérés par FONTAINE et non transmis par ce dernier à ses mandants.
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Il a également été accusé d'avoir détourné diverses sommes au détriment de :
- Sieur TACHÉ, garde général de rivière à Château-Chinon, 4,000 fr. destinés à acheter des obligations du chemin de fer de l'Ouest;
- M. BRICHETEAU, banquier à Nevers, 1,600 fr. provenant de diverses opérations de recouvrement dans l'arrondissement de Château-Chinon;
- M. BUTEAU, marchand de vin, 1,323 fr.
- Veuve BELIN, concierge du tribunal de Château-Chinon, 2,375 fr. qu'il devait placer;
- ses confrères huisiers, 275 fr correspondants à leurs cotisations à la bourse commune et qu'il avait reçus en qualité de trésorier de la corporation des huissiers de l'arrondissement.
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Tous ces faux et abus de confiance sont reconnus et avoués par FONTAINE; mais ses explications ne tendraient qu'à diminuer dans une faible mesure sa responsabilité pénale.
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Au cours des débats la gravité des charges qui pesaient sur l'accusé s'est considérablement amoindrie. Les circonstances qui l'avaient amené à devenir infidèle, sa situation de famille et les entraînements qu'il a été démontré avoir subis ont appelé sur lui l'intérêt du jury.
En conséquence, il a simplement été condamné à 1 an d'emprisonnement.


Le Journal de la Nièvre - 18/05/1882

Audience du 17 mai
BLESSURES AYANT OCCASIONNE LA MORT
Le nommé MOREAU (Jean-Marie), âgé de 27 ans, cultivateur, né et domicilié à Château-Chinon, est accusé de blessures ayant occasionné la mort sans intention de la donner et de coups et blessures volontaires. Les faits se sont passés dans les circonstances suivantes :
MOREAU avait passé toute la journée du dimanche 19 mars 1882 dans les cabarets de la ville de Château-Chinon. Il n'était pas encore rentré chez lui vers les 11 heures du soir, lorsqu'il se prit de querelles avec un sieur BERNIER, garde champêtre, avec lequel il avait passé quelques moments à boire. la dispute avait dégénéré en rixe, lorsque survinrent les sieurs DRODOLINSKI, maçon; NAVETTE, également maçon, et SADORGE, couvreur, qui cherchèrent à mettre fin à la querelle. DRODOLINSKI invita MOREAU à rentrer chez lui. Ce dernier, au lieu de suivre ce sage conseil, frappa DRODOLINSKI de 2 coups de couteau à l'épaule gauche et lui fit 2 blessures qui heureusement n'ont pas eu de suites sérieuses. Effrayé, SADORGE prit la fuite; mais MOREAU l'atteignit rapidement et lui enfonça son couteau dans la cuisse gauche, au-dessous du pli de l'aine. NAVETTE voulut alors venger son ami SADORGE. Il poursuivit MOREAU; mais celui-ci, se retournant toujours armé de son couteau, frappa NAVETTE au bras droit et lui fit une blessure assez grave pour entraîner une incapacité de travail d'environ 2 mois. Quant à SADORGE, également frappé, il fut ramené chez lui vers 2 heures du matin et mourut peu de temps après, entre 6 heures et 7 heures, avant l'arrivée d'un médecin qu'on avait malheureusement prévenu trop tard et dont les soins eussent pu sauver peut-être le blessé.
MOREAU, après avoir cherché dans l'instruction à expliquer ces scènes, a fini par déclarer que, pris de vin et surtout sous l'empire d'une colère furieuse, il n'était pas maître de lui et ne se souvient plus de ce qui s'est passé.
Les débats n'ont rien ajouté aux détails de cette triste affaire.
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Cinq questions étaient posées au jury, qui y a répondu négativement.
En conséquence, MOREAU a été acquitté.
Le Journal de la Nièvre - 21/05/1882


Audience du 19 mai
TENTATIVE D'ASSASSINAT PAR UN MARI SUR L'AMANT DE SA FEMME
Le 18 février 1882, le sieur GAUTHERIN (Claude) , soldat au 37ème régiment d'artillerie, à Bourges, obtint une permission de quelques jours, et se rendit chez sa mère, à Planchez, où déjà pendant quelque temps, et avant d'être appelé sous les drapaux, il avait travaillé en qualité d'apprenti chez le sieur CATELON (Emiland dit Henri-Emile), âgé de 38 ans, maréchal-ferrant.
Son séjour dans la maison de ce dernier avait permis au sieur GAUTHERIN d'entretenir avec la femme CATELON des relations coupables qui avaient fait naîre chez les époux de fréquentes querelles et qui s'étaient prolongées, au vu et au su des habitants de Planchez, jusqu'au moment où GAUTHERIN avait dû satisfaire aux obligations militaires.
En revenant à Planchez, le 18 février, il apprit que le sieur CATELON, informé de la conduite de sa femme, nourrissait contre lui une grande animosité. Ses amis, sa mère, redoutant un malheur, l'engagèrent à éviter la femme CATELON; mais il ne tint aucun compte de ces sages conseils; il chercha et retrouva, dans la journée du 20 février, son ancienne maîtresse et obtint d'elle un rendez-vous pour le soir. Ils devaient de rencontrer à 7 heures et demie, dans un champ situé à une petite distance de la maison CATELON.
GAUTHERIN fut exact au rendez-vous; mais au lieu de la femme qu'il attendait, il vit venir le mari qui, sans provocation, tira sur lui un coup de feu, et la balle l'atteignit à la partie droite du crâne, dont elle déchira profondément la peau. Une lutte s'engagea aussitôt; mais GAUTHERIN, vaincu par la violence du coup qu'il avait reçu, fut bientôt mis hors d'état d'opposer la moindre résistance. Son agresseur lui porta, lorsqu'il était à terre et sans défense, à la tête et au visage plusieurs coups d'un instrument contondant qui lui firent d'assez graves blessures.
GAUTHERIN put cependant apercevoir pendant la lutte le visage et reconnaître le costume du sieur CATELON, quoique ce dernier eût pris la précaution de s'envelopper la tête et les épaules dans un fichu de femme en laine blanche. Il le dénonça à la gendarmerie comme étant l'auteur de l'agression dont il avait été victime et provoqua son arrestation.
CATELON s'est renfermé dans un système de dénégations absolues; mais l'énergie avec laquelle GAUTHERIN persiste dans ses déclarations et les circonstances dans lesquelles les faits se sont passés donnent un démenti à ses affirmations et établissent évidemment sa culpabilité.
En conséquence, le nommé CATELON  (Emiland dit Henri-Emile) est accusé d'avoir, dans la soirée du 20 février 1882, à Planchez, tenté de commettre un homicide involontaire sur la personne du sieur GAUTHERIN, soldat au 37ème R.a.; laquelle tentative, manifestée par un commencement d'exécution, n'a été suspendue ou n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur; avec la circonstance que ladite tentative d'homicide volontaire a eut lieu avec 1° préméditation, 2° guet-apens, crime puni et prévu, etc..
La femme CATELON, qui avait été comprise dans la poursuite comme complice de ce crime, en a été écartée par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bourges, qui a déclaré qu'il n'y avait pas contre elle charges suffisantes et a renvoyé son mari devant la cour d'assises.
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Malgré les rumeurs de danger, GAUTHERIN vint en permission à Planchez le 18 février. Il rencontra même son ancien patron, trinqua avec lui et accepta son invitation à manger chez lui.
Le lendemain, au lieu de la femme CATELON, lors de l'agression dont il a été victime, il affirme avoir reconnu son ancien patron. CATELON niera toujours les faits.
Un armurier expert auquel une canne-fusil saisie chez l'accusé est présentée, déclare qu'il ne saurait affirmer si cette arme a servi depuis la fête du 14 juillet dernier.
PERROT, cultivateur à Planchez, a entendu dire que le ménage CATELON ne vivait pas en bonne intelligence.
La femme MARATRAT, affirme avoir aperçut une personne couverte d'un fichu blanc marchant à une treantaine de pas devant elle le lundi 20 février, vers 7 heures du soir. Pensant d'abord que c'était une jeune fille de sa connaissance, elle ne saurait dire maintenant si c'était un homme ou une femme.
Le ménage CATELON était en continuelles disputes mais la paix semblait régner depuis que CATELON était revenu d'un voyage en Suisse avec une femme de mauvaise vie. Soupçonnant un complot des époux, le substitut demande une peine stricte pour tentative de meurtre avec préméditation et guet-apens.
La défense détruit un à un les éléments de l'accusation. Les armes saisies, dont la canne-fusil étaient restés à leur emplacement , couvertes de poussière. Les vêtements décrits par GAUTHERIN n'ont pas été découverts. La balle et la bourre même avaient disparu; nulle trace de sang et de boue sur les vêtements. GAUTHERIN serait le seul témoin intéressé à la condamnation de CATELON.
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A la suite d'une courte délibération, le jury rapporte un verdict négatif.
En conséquence, CATELON est acquitté et mis sur-le-champ en liberté.
Le Journal de la Nièvre - 21/05/1882

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